Périnatalité et attachement
Auteurs: Fourneret Pierre Viaux Savelon Sylvie
La périnatalité, une période déterminante dans le développement physique et psychique de l’individu

Définition plus large de la périnatalité
Le terme de périnatalité englobe la période depuis la conception du fœtus jusqu’au premiers mois de vie du nourrisson mais aussi, et de façon plus large, l’ensemble du vécu et des expériences physiques (ex : le toucher, la toilette, l’allaitement, le portage du bébé), émotionnelles, affectives et relationnelles (via le regard, le sourire, les jeux de vocalisation etc…) des parents dans leurs premiers échanges avec leur bébé. C’est une période importante pour l’ensemble des processus de maturation physiologique et de construction de la vie mentale (ex : perceptions sensorielles, émergence de la conscience de soi) et sociale du bébé, dans ses interactions quotidiennes avec ses parents. C’est une période tout aussi fondamentale pour les parents pour la découverte de leur compétences parentales, l’établissement des relations d’attachement partagées avec leur bébé et plus globalement pour l’exercice culturel - au sens de l’ensemble des croyances, attitudes et valeurs parentales partagées dans une société donnée vis-à-vis de leur enfant - et la reconnaissance sociale de leur nouveau statut.
Votre médecin ou votre sage-femme ont peut-être également utilisés les termes anténatal ou prénatal qui veulent dire « avant la naissance » ; ou encore, postnatal ou post-partum qui renvoient aux événements de vie vécus après la naissance. De manière consensuelle, on parle aujourd’hui volontiers pour désigner cette somme de moments de vie de la période des 1000 premiers jours allant du début de la grossesse jusqu’au deux ans révolus de l’enfant
Explications des différentes phases du développement du fœtus puis du nouveau-né
Les 1000 premiers jours, c’est aussi un concept scientifique désignant une période particulièrement sensible pour le développement de l’enfant. La recherche médicale a considérablement progressé ces vingt dernières années, notamment via l’imagerie médicale (ex : utilisation de l’échographie haute définition et de l’IRM cérébrale durant la grossesse ou après la naissance). On connait mieux aujourd’hui les différentes étapes du développement du cerveau - du fœtus jusqu’à l’âge adulte - et la séquence de mise en œuvre des différents fonctions motrices, sensorielles, cognitives puis relationnelles de l’enfant à naitre jusqu’à l’adolescence. La séparation anté/post natale devient caduque. La naissance ne représenterait ainsi plus qu’un épiphénomène dans le continuum développemental qui va de l’embryon jusqu’à l’âge adulte. La lecture et la compréhension de ce continuum représentent aujourd’hui un enjeu essentiel de la connaissance scientifique, notamment autout des nombreuses recherches en cours sur les trajectoires de développement.
Une période à risques pour l’enfant
Durant cette période des 1000 premiers jours, de nombreux facteurs – endogènes (c’est-à-dire propres au fœtus ou au nourrisson) et/ou exogènes – au sens d’environnementaux – peuvent venir perturber de façon ponctuelle ou plus durable, la dynamique de développement de l’enfant. On comprend mieux que cette période soit devenue une phase charnière pour le bon développement de l’enfant et son devenir, en termes de « bien être » et de qualité de vie. Pour ce qui est des facteurs internes ou endogènes, on évoque surtout les anomalies ou mutations génétiques à l’origine de perturbation de l’information génétique, et donc du plan de construction des organes et des fonctions biologiques qui y sont associées. Ces anomalies génétiques sont le plus souvent accidentelles et non prévisibles. On parle de mutation de novo. D’autres peuvent être héritées dans le cadre de pathologies rares comme la phénylcétonurie (maladie métabolique), la thalassémie (maladie du sang), l’hypothyroïdie ou l’hyperplasie surrénalienne. On parle alors de maladies congénitales ou héréditaires car le gêne défectueux est hérité de la mère ou du père voire des deux, ce qui augmente alors le risque pour le bébé de développer la maladie. La plupart du temps ces maladies congénitales sont connues chez le parent et justifie d’une surveillance rapprochée durant la grossesse, avec la réalisation d’un test de dépistage, dès la naissance pour voir si le nourrisson est lui aussi concerné. Aujourd’hui, certains tests de dépistage génétique peuvent être réalisés durant la grossesse, sur prélèvement placentaire réalisé lors d’une amniocentèse (ex : dépistage du risque de trisomie 21).
Par opposition, les facteurs exogènes regroupent toutes les causes externes d’origine naturelle (ex : exposition au soleil, au froid, aux virus et bactéries), humaine (ex : mauvaise alimentation, dette de sommeil, stress ambiant ou relationnel, troubles psychiques d’un des parents) ou toxique (ex : tabac, alcool, polluants chimiques comme les métaux lourds, certains insecticides ou les perturbateurs endocriniens). L’impact de ces facteurs externes peut être limité par une bonne hygiène de vie (respect des rythmes physiologiques), une alimentation saine et un certain nombre de précautions de bon sens durant la grossesse ou pendant la période d’allaitement (ex : suppression de l’alcool, du tabac, arrêt de la consommation de drogues illicites, arrêt ou substitution de certain médicament à risque).
Les conséquences sur le fœtus et le développement de l’enfant à naitre provoquées par des habitudes toxiques persistantes ou tout autre facteur de stress durant la grossesse sont indispensables à connaitre, car aujourd’hui parfaitement documentées. Le meilleur exemple, étant la consommation chronique d’alcool à l’origine du syndrome d’alcoolisation fœtale, encore appelé trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale (TASF) responsable chez le fœtus d’un retard de croissance et de malformations mais aussi d’un retard psychomoteur et d’un handicap cognitif grave et irrémédiable chez l’enfant.
Les conséquences de l’exposition au tabac du fœtus durant la grossesse (tabagisme actif de la mère ou passif par exposition environnementale) sont, elles aussi, bien identifiées avec un risque accru de fausse couche, d’accouchement prématuré et d’hématome rétro placentaire puis, chez l’enfant à naitre, de faible poids de naissance, d’un risque accru de troubles du développement cognitif, dont des problèmes de langage et/ou un trouble déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).
De la même façon, on comprend de mieux en mieux les effets du stress chronique vécu par les mères en période de grossesse et qui peuvent être à l’origine de retard de croissance in utero, d’anomalies de la croissance neurologique chez le fœtus, en lien avec des perturbations de l’expression des gènes codant la synthèse des différentes protéines impliquées dans la construction cellulaire. Ces anomalies des processus de régulation épigénétique vont affecter la qualité du développement fœtale et peuvent compromettre durablement le développement psychomoteur, émotionnel et cognitif du jeune enfant. Et donc la qualité de ses interactions sociales et de son intégration scolaire ultérieure. De tels mécanismes épigénétiques sont aujourd’hui suspectés et mis en avant pour rendre compte des effets de la dépression maternelle ou ceux du stress aigu (ex : maltraitance et violence) subi par la mère en période de gestation.
Pour autant, rien n’est strictement déterminé et l’impact des troubles psychiques (ex : du trouble anxieux ou trouble dépressif) de la mère sur son bébé à naitre est largement pondéré par la qualité de son entourage immédiat (et donc du soutien du conjoint, des parents et des proches aidants) et la rapidité et l’efficience des soins dont elle pourra bénéficier. Un autre élément essentiel à comprendre, ici, est la notion de plasticité cérébrale – in utero et après la naissance - qui permet au fœtus ou au nourrisson de compenser, pour partie ou en totalité, les effets délétères d’un stress subi qu’il soit organique (ex : accident hémorragique cérébral) ou émotionnel.
Une femme sur 5 est aujourd’hui concernée par un problème de santé mentale durant la grossesse ou suivant l’accouchement. Malheureusement, la grande majorité de ces femmes (environ 60% avec des disparités selon les pays) ne reçoivent aucune aide spécifique ou adaptée. Plus récemment, l’attention a été aussi porté au vécu du père, puisque 10% d’entre eux pourraient ressentir des affects dépressifs durant la grossesse de leur compagne. Surtout 9% des pères souffriraient de dépression du post partum, plus particulièrement entre le 3° et le 6° mois qui suivent la naissance. L’incidence négative à court et plus long terme des troubles émotionnels et psychiques d’un parent ou des 2 parents sur la relation avec leur bébé, et par voie de conséquence sur le développement psychomoteur, émotionnel et cognitif de leur enfant, est aussi clairement établi. C’est donc tout l’enjeu du repérage et de la prise en charge précoce de toutes les difficultés émotionnelles et affectives de la mère et/ou du père – qu’elle qu’on soit la nature – en cours de grossesse et plus généralement durant toute la période périnatale. En France, les parents comme les professionnels de santé peuvent s’appuyer sur l’entretien pre natal précoce (habituellement autour du 4° mois) et l’entretien post natal (entre la 4 et la 8° semaine suivant l’accouchement) pour aborder, reconnaitre et orienter vers les personnes ressources ou les dispositifs compétents toute situation de souffrance ou de vulnérabilité psychosociale.
Contribuer au bien-être familial : comprendre et soutenir les parents ayant des problèmes de santé mentale
Auteurs: Holly Rayson, Odile Flament, Julien Dubreucq
Introduction
Un chemin partagé. Découvrir la parentalité peut être complexe et difficile, surtout lorsqu'on est confronté à des problèmes de santé mentale. Il est important de comprendre que vous n'êtes pas seul (e) dans ce cheminement et qu'il est possible de s’assurer que vous et votre enfant receviez du soutien pour votre bien-être et son développement.
L'impact de la santé mentale des parents sur les interactions précoces et le développement des enfants
Faire le lien entre les interactions précoces parent-bébé et le développement. Dès son plus jeune âge, les interactions entre un enfant et ses parents posent les fondations de son futur développement émotionnel et psychologique. Si vous traversez des problèmes de santé mentale tels que la dépression ou l’anxiété, il est possible que cela affecte la façon dont vous interagissez avec votre enfant, rendant peut-être plus difficile de toujours réagir de façon chaleureuse et constante. Reconnaître cette situation n’est cependant pas un signe d’échec ; il s'agit d'un premier pas décisif vers la recherche de soutien et l’ajustement des pratiques parentales pour soutenir le développement de votre enfant.
Interactions sociales et formation de l’Attachement. La qualité des interactions sociales précoces est importante pour la formation d'un attachement secure (voir encadré), qui se développe au cours des premières années de la vie. Un attachement sécure influence la capacité future de l’enfant à établir des relations saines avec les autres. Identifier et résoudre les difficultés que vous éprouvez à construire le lien avec votre enfant peut réduire considérablement les risques potentiels pour son développement, liés à la formation d'un attachement insécure. Les interventions thérapeutiques, associées à un soutien à la parentalité, peuvent améliorer considérablement votre capacité à répondre aux besoins de votre enfant, favorisant un attachement plus secure et renforçant la confiance et la résilience de votre enfant.
Comprendre le lien d’attachement parent-enfant
Qu’est-ce que l’attachement ? L’attachement entre un enfant et son parent est un lien émotionnel profond et durable qui se développe au cours des premières années de la vie. Ce lien est important pour le développement émotionnel de l’enfant et peut influencer la façon dont il interagira avec les autres tout au long de sa vie.Types d’attachement : Sécure versus Insécure
- Attachement sécure. Un attachement sécure se forme lorsque l’enfant se sent durablement compris et soutenu par ses parents. Les enfants qui ont un attachement sécure se sentent en sécurité pour explorer leur environnement, sont à l’aise dans les interactions sociales et sont capables de réguler efficacement leurs émotions. Ces enfants ont généralement une meilleure estime de soi et une plus grande autonomie. Les avantages d’un attachement sécure se prolongent à l’âge adulte, avec des relations plus stables et épanouissantes.
- Attachement insécure : A l’inverse, un attachement insécure peut se développer si le parent n’est pas disponible de façon prolongée ou ne répond pas aux besoins de son enfant. Les enfants avec un attachement insécure peuvent rencontrer des difficultés à réguler leurs émotions et nouer des relations plus instables dans leur vie future. Cependant, comprendre et traiter l’attachement insécure pendant l’enfance peut atténuer tout effet négatif potentiel à long terme et favoriser l'établissement de relations interpersonnelles plus saines et la résilience émotionnelle
Pour en savoir plus. Pour les personnes souhaitant approfondir leur compréhension de la théorie de l'attachement et de ses implications, l’article de synthèse suivant fournit des éléments exhaustifs.
Explorer de nouveaux horizons : mieux comprendre l’impact de la santé mentale parentale sur le développement
Ce que nous apprend la recherche scientifique. Des résultats scientifiques récents soulignent l’importance d’un environnement soutenant pour atténuer les effets négatifs potentiels de divers problèmes de santé mentale parentaux, comme la dépression et l’anxiété, sur le développement émotionnel et comportemental de l’enfant. Par exemple, promouvoir des liens familiaux solides et accéder à un soutien par la communauté peuvent jouer un rôle crucial dans le soutien des parents et des enfants. Votre inquiétude concernant l’influence de votre santé mentale sur votre enfant est une préoccupation commune à de nombreux parents. Ces nouveaux résultats de recherche peuvent fournir des informations pertinentes pour aider les familles à comprendre et à faire face à ces défis avec compassion et efficacité.
Regarder vers l'avenir : Innovations dans le soutien des Familles. Il existe des recherches en cours pour mieux comprendre l'impact des problèmes de santé mentale parentaux sur le développement de l'enfant et, donc continuer à améliorer les programmes de traitement et d’intervention précoce. Utiliser la technologie pour apporter une assistance et du soutien en temps réel aux familles fait l’objet de nouvelles études. Cela comprend le développement d’applications mobiles et de ressources en ligne permettant d’accéder facilement à des conseils de santé mentale et / ou à un avis par un professionnel spécialisé. Des chercheurs explorent également des approches personnalisées pour ajuster davantage les interventions aux besoins individuels des familles (considération des facteurs génétiques, les antécédents familiaux, et les facteurs de stress actuels dans l’environnement de la personne)
Conclusion
Un chemin à parcourir ensemble. Bien que le parcours de chaque famille soit unique, personne ne devrait avoir à avancer seul sur ce chemin. En cherchant du soutien et en bénéficiant des ressources disponibles, vous pouvez créer un environnement soutenant qui contribue à votre bien-être et celui de vos enfants. Rappelez-vous, prendre soin de votre santé mentale est un élément essentiel pour être le meilleur parent que vous puissiez être. Êtes-vous prêt à franchir cette étape pour votre famille dès aujourd'hui ?
Pour en savoir plus. Voici quelques articles scientifiques sur les liens entre la santé mentale parentale et le développement de l'enfant que vous pourriez trouver utiles :