Peu fréquentes et autrement appelées « psychoses puerpérales », les psychoses du postpartum concernent une à deux femmes sur un millier. Il s’agit d’épisodes psychiatriques aigus et sévères qui apparaissent la plupart du temps dans les premiers jours ou les premières semaines qui suivent une naissance. Leur gravité est extrême, aussi bien pour la mère que pour l’enfant. C’est pourquoi leur prise en charge doit être réalisée en urgence et au cas par cas.
Les signes à observer à la loupe
La psychose du post-partum (PPP) se caractérise par une série de symptômes dont certains, comme une anxiété massive et invalidante ainsi qu’une perturbation du rythme veille-sommeil (parfois jusqu’à l’insomnie quasi-totale), sont systématiquement associés à la maladie. Des troubles de l’humeur de type dépression (tristesse, idées d’incurabilité…) ou manie (élévation de l’humeur, agitation psychomotrice, irritabilité…) sont parfois observés. Environ un tiers des mères concernées présentent les deux à la fois, soit simultanément soit en alternance ; on parle alors d’épisodes « mixtes ». Ces variations émotionnelles sont associées à des pensées irrationnelles – voire délirantes – ou des hallucinations centrées sur la relation mère-enfant (négation de maternité, substitution ou subtilisation d’enfant, malformation, malédiction sur le nouveau-né…). Dans certains cas apparaît également une désorganisation psychique pouvant mimer un syndrome confusionnel : une désorientation dans le temps et dans l’espace qui fait que la maman ne sait plus quel jour on est, ni où elle est. Autre particularité qui complique la détection : le tableau clinique peut changer rapidement et fréquemment.
Principaux facteurs de risque connus
Le principal facteur de risque est d’avoir des antécédents de troubles de l’humeur(60 %), et plus spécifiquement de troubles bipolaires (50 %), ou encore des antécédents familiaux de ce type de signes. Le risque est doublé si la mère a déjà présenté un épisode de cet ordre en période périnatale (30 % contre 15 %) et nettement augmenté si les traitements ont été arrêtés durant la grossesse (70 % contre 25 %). La privation de sommeil en fin de grossesse, durant la période du travail et du post-partum est, elle aussi, un facteur de risque pour toutes les femmes, notamment pour celles ayant présenté des troubles bipolaires avant la grossesse ou des épisodes maniaques en raison d’une dette de sommeil. D’autres facteurs non-spécifiques peuvent augmenter le niveau de stress, participer au déclenchement d’une décompensation et favoriser la PPP sans toutefois l’expliquer à eux seuls : des éléments obstétricaux ou néonataux comme un retard de croissance intra-utérin, un accouchement prématuré ou une césarienne ; le fait d’attendre son premier enfant (ou primiparité), a fortiori chez les femmes de plus de 35 ans.
« Prévention », le maître-mot
En cas d’antécédents de trouble psychiatrique avant la grossesse, les mères doivent bénéficier d’actions préventives intégrées à un parcours périnatal adapté à leur vulnérabilité. C’est pourquoi une consultation en amont de la conception d’un bébé auprès d’une équipe spécialisée en psychiatrie périnatale est à privilégier. Elle permet de maintenir et d’ajuster les traitements (notamment si des troubles dépressifs ou bipolaires ont été observés avant gestation) et d’orienter le couple vers une équipe de professionnels formés spécifiquement à leur prise en charge (renvoyer vers le chapitre sur les CPC). De même, un soutien à la préservation de périodes de sommeil régulières doit être anticipé au plus tôt dans la grossesse. Sur ce point, les femmes sans antécédent psychiatrique mais dont la qualité et la quantité de sommeil ont été dégradées durant la grossesse et/ou ayant été privées significativement de sommeil durant l’accouchement doivent se voir proposer une période de récupération de quelques jours, accompagnée si nécessaire d’un traitement sédatif.
Maintenir la vigilance et traiter au cas par cas
Traiter l’épisode de psychose puerpérale se fait en fonction de critères précis : tableau clinique, antécédents psychiatriques personnels et familiaux, réponse antérieure aux psychotropes… Compte tenu des risques (suicide de la mère ou passage à l’acte sur l’enfant, entre autres), la vigilance est de mise. Au moindre doute, toute femme enceinte sans antécédent doit pouvoir être dépistée et bénéficier d’une évaluation spécialisée en urgence durant la grossesse ou post-accouchement. Les mamans dont les épisodes psychiatriques sont connus méritent un suivi systématique allant de la grossesse au post-partum tardif. Véritable urgence thérapeutique, la PPP nécessite souvent une hospitalisation et des soins psychiatriques, parfois sans consentement. En l’absence de recommandation spécifique à ce jour, un traitement anxiolytique et une prescription d’antipsychotiques – de préférence atypiques – doivent rapidement être mis en place. Selon le contexte, un traitement visant à stabiliser l’humeur (en général, une thymorégulation par sels de lithium) peut être préconisé et accompagné de la mise en place d’une contraception efficace. Si le risque est vital, une stimulation cérébrale (électroconvulsivothérapie, ou ECT) peut être pratiquée. Une fois que l’état de santé de la mère stabilisé, une prise en charge en unité mère-bébé pour des soins conjoints est envisageable.
Une PPP, et puis s’en va ?
A court terme, les psychoses du postpartum évoluent favorablement en général et ne donnent lieu à aucune séquelle sur le plan clinique ou fonctionnel. Sur le temps long, un premier épisode peut également être suivi d’une récidive à l’occasion d’un accouchement ultérieur ou annoncer un trouble bipolaire – beaucoup plus rarement une schizophrénie. Dans tous les cas, un parcours de rétablissement au sens personnel du terme (cf. page « le rétablissement, un parcours personnel ») s’impose. En l’absence de certitude sur l’évolution et après avoir écarté les diagnostics différentiels (cause infectieuse, encéphalite auto-immune, thrombophlébite cérébrale, crise comitiale partielle…), traiter la PPP comme un épisode bipolaire est recommandé