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8 févr. 2023Anne Laure Sutter Dallay, Elisabeth Michel, Julien Dubreucq

Psychoses puerpérales ou psychoses du postpartum

#Santé mentale #Psychiatrie

Les psychoses puerpérales ou psychoses du postpartum (PPP) concernent 1 à 2 femmes pour 1000 et sont donc peu fréquentes. Il s’agit d’épisodes psychiatriques aigus et sévères qui apparaissent majoritairement dans les premiers jours ou premières semaines qui suivent une naissance. Leur gravité est extrême, aussi bien pour la mère (risque suicidaire) que pour l’enfant (risque de soins non ajustés, voire dangerosité pour l’enfant). Elles nécessitent toujours une prise en charge urgente, le plus souvent sur le mode de l’hospitalisation dans un premier temps de la mère sans son bébé.

Les symptômes présentés par les femmes présentant une PPP sont des troubles de l’humeur de type dépression (tristesse, idées d’incurabilité…) ou de manie (élévation de l’humeur, agitation psychomotrice, irritabilité…). Environ 1/3 des patientes présenteront à la fois des symptômes de dépression et de manie, soit en même temps soit en alternance, que l’on nomme alors des épisodes « mixtes ». Une anxiété massive et très invalidante est toujours associée. Il existe également toujours une perturbation majeure des rythmes veille-sommeil, pouvant aller souvent jusqu’à une insomnie quasi totale. Cette symptomatologie de dysrégulation émotionnelle est associée à des pensées irrationnelles voire délirantes, des hallucinations centrées sur la relation mère-enfant (négation de maternité, substitution ou subtilisation d’enfant, malformation, malédiction sur le nouveau-né…). Il existe aussi une désorganisation psychique pouvant mimer un syndrome confusionnel, c’est à dire une désorientation dans le temps et dans l’espace (ne sait plus quel jour ni où elle est). Une des spécificités cliniques de ces PPP est que l’apparition des symptômes puis les changements de présentation clinique sont extrêmement rapides et fréquents.

Le risque principal est le suicide pour la patiente ou le risque de passage à l’acte sur le bébé. Le traitement de ces épisodes est une urgence thérapeutique, qui parfois doit malheureusement s’associer à des soins psychiatriques sans consentement.

Le traitement de ces épisodes est une urgence thérapeutique, souvent sous forme d’hospitalisation. Il est crucial de prendre en charge rapidement ces épisodes pour assurer la sécurité de la mère et de l’enfant.

Le facteur de risque principal pour une femme de présenter une PPP est d’avoir des antécédents de troubles de l’humeur personnels (60%) et plus spécifiquement de troubles bipolaires (50%), ou encore des antécédents familiaux de ce type de troubles. Le risque sera d’autant plus fort que la patiente aura déjà présenté un épisode en période périnatale (30 % versus 15 %) et que les traitements ont été arrêtés durant la grossesse (70% versus 25%). Toutes ces données soulignent l’absolue nécessité, d’une part de garder un traitement qui devra être adapté en amont de la grossesse et d’autre part de toujours proposer un suivi longitudinal spécifique allant de la grossesse au post-partum tardif. Les patientes qui présentent ce type d’antécédents doivent donc bénéficier de démarches de prévention, qui doivent être intégrées à un parcours périnatal adapté qui reconnaitra et prendra en compte cette vulnérabilité. Il est donc recommandé de bénéficier d’une consultation antéconceptionnelle auprès d’une équipe de psychiatrie spécialisée en psychiatrie périnatale pour ajuster les traitements si nécessaire et orienter le couple vers l’équipe d’obstétrique et de pédiatrie adaptée (renvoyer vers le chapitre sur les CPC).

L’autre moitié des femmes qui présenteront une PPP n’ont aucun antécédent de trouble psychique ou psychiatrique, et le dépistage des facteurs de risque et de tout symptôme pouvant faire évoquer ce type de pathologie doit être systématique et concerner toute la population des femmes enceintes tout au long de la grossesse ou en post-partum. Une évaluation spécialisée doit être proposée en urgence au moindre doute.

Parmi les facteurs de risque majeurs autres que les antécédents personnels ou familiaux de trouble de l’humeur, Il est important d’avoir à l’esprit la privation de sommeil en fin de grossesse, durant la période du travail et du post-partum. Ce risque concerne à la fois les femmes présentant des troubles bipolaires avant la grossesse - surtout si elles ont déjà présenté des épisodes maniaques du fait d’une privation de sommeil – mais aussi les femmes sans antécédents.

Chez les patientes présentant un trouble antérieur à la grossesse, la préservation du sommeil doit donc être anticipée au plus tôt dans la grossesse, à travers la mise en place d’un soutien adapté qui permettra à la patiente de préserver des périodes de sommeil régulières. Pour les femmes n’ayant pas d’antécédents, toutes personne présentant une dégradation importante de la qualité et de la quantité de son sommeil durant la grossesse et/ou ayant subi une privation de sommeil longue durant le travail devrait se voir proposé l’organisation de la possibilité d’une période de récupération de quelques jours, accompagnée si nécessaire d’un traitement sédatif.

Nombre d’autres facteurs non spécifiques ont été rapportés comme pouvant favoriser la survenue d’une PPP, comme la primiparité, notamment chez les femmes de plus de 35 ans, des facteurs obstétricaux ou néonataux (retard de croissance intra-utérin accouchement prématuré́, césarienne,…), ou une situation économique défavorable. Tous ces facteurs agissent comme des facteurs de stress supplémentaires pouvant participer au déclenchement de ces décompensations, mais ne les expliquent pas à eux seuls.

A noter que comme pour tout trouble psychiatrique, il convient d’éliminer un diagnostic différentiel, comme une cause infectieuse, une encéphalite auto-immune, une thrombophlébite cérébrale, une crise comitiale partielle, etc.

Sur le plan des soins, une hospitalisation en urgence en milieu psychiatrique est souvent nécessaire. Sur le plan des traitements, il n’existe pas actuellement de recommandations spécifiques. Un traitement anxiolytique est nécessaire en urgence, et un traitement antipsychotique - privilégiant les AP atypiques - doit rapidement être mis en place et doit être guidé avant tout par le tableau clinique, les antécédents psychiatriques personnels et familiaux, ainsi que par une éventuelle réponse antérieure aux traitements psychotropes. Un traitement thymorégulateur, par sels de lithium préférentiellement, sera proposé selon la clinique et/ou en présence d’antécédents personnels ou familiaux de troubles bipolaires. A noter que la prescription de ces traitements doit s’accompagner, notamment pour les sels de lithium, de la mise en place d’une contraception efficace. En cas de risque vital (risque suicidaire, troubles de l’alimentation…) des sismothérapies sont recommandées. Une prise en charge en unité mère-bébé pour des soins conjoints peut être proposée dans un second temps, une fois que l’état de santé de la mère sera stabilisé.

Les épisodes de psychoses du postpartum évoluent généralement favorablement à court terme. À long terme, elles peuvent conduire à une guérison sans séquelles sur le plan clinique ou fonctionnel, une récidive lors d’un prochain accouchement, ou être le début d’un trouble bipolaire. Dans tous les cas, cela implique un parcours de rétablissement au sens personnel du terme (cf. page « le rétablissement, un parcours personnel »)

C’est pour ces raisons et en l’absence actuelle de facteurs permettant d’avoir une vision de l’évolution, qu’il est recommandé de traiter ces épisodes comme des épisodes de trouble bipolaire. Enfin extrêmement rarement ils peuvent représenter le début d’un trouble de type schizophrénique.

Bibliographie

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