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La dépression périnatale : de quoi parle-t-on ?

La dépression périnatale :

de quoi parle-t-on ?

Auteurs : Sarah Sananès, Sophie Schaeffer, Anne Laure Sutter-Dallay, Sarah Tebeka

Introduction : la dépression périnatale de quoi parle-t-on ?

En France, la dépression périnatale touche 1 femme sur 6 et 1 homme sur 15. Si la grossesse puis la maternité provoquent chez les parents des chamboulements aussi bien physiques que psychiques, il est essentiel de comprendre ce qui différencie un simple babyblues de la dépression périnatale.

La dépression périnatale

Dépression périnatale : quelle définition ?

La période périnatale englobe la grossesse et la première année de vie de l’enfant. Une dépression périnatale est un trouble de la régulation de l’humeur survenant pendant cette période – période pendant laquelle les parents sont parfois plus vulnérables.

Soyons vigilants : le terme «dépression» est fréquemment utilisé pour décrire toutes sortes de problèmes de santé mentale. A l’inverse, pour nombre d’entre nous, «être déprimé(e)» ou «être dépressif» évoque uniquement avoir une humeur triste. La dépression périnatale est un trouble spécifique qui ne se limite pas à ce symptôme. D’autres signes doivent être présents pour que l’on parle de dépression périnatale, comme une perte d’élan, des troubles du sommeil ou de l’appétit, des variations de la sensibilité émotionnelle … et, à cette période de la vie, fréquemment des préoccupations ou une anxiété envahissante centrée sur le bébé, parfois également des douleurs physiques, un épuisement. Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter les symptômes les plus fréquents


En cas de doute, il est essentiel d’en parler avec un professionnel de santé de confiance (médecin traitant, gynécologue-obstétricien, sage-femme …). Il pourra explorer les symptômes de dépression périnatale, proposer un accompagnement ou proposer une orientation vers quelqu’un de spécialisé.


Différence entre dépression périnatale et baby blues

Difficulté maternelle, baby-blues, dépression périnatale, dépression anténatale, dépression du post-partum… De nombreux termes sont utilisés pour désigner les symptômes psychiques qui peuvent survenir au moment de devenir parent. Comment s’y retrouver ?

La difficulté maternelle englobe l’ensemble des difficultés psychiques à entrer dans le rôle, dans l’identité de mère. Le baby blues et la dépression périnatale en font donc partie.

Le baby blues survient dans les jours qui suivent la naissance. Il s’agit d’un état d’hypersensibilité modérée, ne durant pas plus de 10 à 15 jours et disparaissant de lui-même. Les jeunes accouchées sont d’humeur changeante et passent du rire aux larmes, elles sont fatiguées et peuvent douter de leurs capacités maternelles. Si ces symptômes sont marqués ou s’ils s’installent sur la durée, la question d’un trouble en cours d’installation, dont la dépression périnatale, devra se poser.

Le terme « dépression périnatale » englobe la dépression anténatale et la dépression du post-partum. Une dépression anténatale débute pendant la grossesse et peut continuer longtemps après la naissance, tandis qu’une dépression du post-partum se déclare après la naissance de l’enfant.

D’autres problèmes de santé mentale peuvent apparaitre en période périnatale.

graph LR style A fill:#205b75,stroke:#205b75,stroke-width:1px,color:white; style B fill:#205b75,stroke:#205b75,stroke-width:1px,color:white; style C fill:#205b75,stroke:#205b75,stroke-width:1px,color:white; style D fill:#205b75,stroke:#205b75,stroke-width:1px,color:white; style E fill:#205b75,stroke:#205b75,stroke-width:1px,color:white; style F fill:#205b75,stroke:#205b75,stroke-width:1px,color:white; style G fill:#205b75,stroke:#205b75,stroke-width:1px,color:white; style H fill:#205b75,stroke:#205b75,stroke-width:1px,color:white; style I fill:#205b75,stroke:#205b75,stroke-width:1px,color:white; A["Difficulté maternelle"] B["Dépression périnatale"] C["Baby-Blues"] D["Troubles anxieux"] E["Dépression anténatale"] F["Dépression du post-partum"] G["Troubles anxieux"] H["Troubles de l'ajustement"] I["Stress post traumatique lié à l'accouchement"] A --> B A --> C A --> D A --> G A --> H A --> I B --> E B --> F

Une conduite à tenir commune pour toutes ces problématiques : osez en parler, ne restez pas seul(e) !

Quels sont les symptômes les plus courant ?

Voici les symptômes les plus couramment relevés chez les personnes souffrant d’une dépression périnatale : épuisement, inquiétudes excessives, hypervigilance et/ou idées envahissantes par rapport à son bébé, tristesse, anxiété, perte de plaisir, perte d’élan, irritabilité, troubles de l’appétit, troubles du sommeil, dépréciation de soi, culpabilité, symptômes physiques, douleurs… lorsque ces symptômes sont intenses et durent, la question de la dépression périnatale se pose. Une euphorie intense (exaltation de l’humeur) est un signe d’alerte.

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Figure 1. Signes et symptômes de la dépression périnatale (Tebeka S, . Troubles psychiatriques en période périnatale : facteurs environnementaux et génétiques. Psychologie. Université Paris Cité, 2021)

A noter

Certains de ses symptômes peuvent être prédominants et en masquer d’autres. C’est par exemple le cas avec l’anxiété et les troubles du sommeil, qui sont rencontrés par de nombreux jeunes parents et sont à risque d’être banalisés.

Définition / introduction à la difficulté maternelle et différence avec la dépression périnatale

Les chiffres de la dépression périnatale en France en 2023

La dépression périnatale concerne 10 à 20% des femmes. Les derniers chiffres français, issus de l’enquête nationale périnatale 2021, estiment qu’elle concerne 16.7% des femmes 2 mois après leur accouchement.

1/6

est concernée par la dépression périnatale

10 à 20 %

des femmes sont concernéee par la dépression périnatale

16.7 %

des femmes 2 mois après leur accouchement

En savoir plus...

Les risques de la dépression périnatale pour l’enfant

« Un nourrisson tout seul, ça n’existe pas […] la santé mentale de tout individu [...] s’édifie sur les soins maternels, qui se remarquent à peine quand tout va bien… » Winnicott

1. Risques chez le fœtus :

L’environnement intra-utérin peut avoir des effets sur le développement du fœtus. Certains mécanismes prénataux peuvent constituer des facteurs de vulnérabilité pour les enfants exposés. C’est par exemple le cas pour le stress anténatal. En effet, quand le taux de cortisol, « hormone du stress », est élevé et ce, de façon chronique, il existe un risque pour la stabilisation de l’axe hypothalamo-hypophysaire du bébé. De même, des taux élevés d’adrénaline semblent augmenter la résistance de l’artère utérine (l’artère se contracte moins bien et le sang est donc éjecté de façon moins efficace), ce qui réduit le flux sanguin vers le fœtus.

Ainsi est-il essentiel d’accompagner les femmes enceintes lorsqu’elles vivent des situations entrainant du stress et de l’anxiété (expositions à des difficultés sociales, de couple, complications de la grossesse…). Suivant la gravité et le type de symptômes, différents types de soins peuvent être envisagés, allant des psychothérapies à la prescription de psychotropes.

2. Chez le nouveau-né et le nourrisson

Les interactions parents-enfants dans le contexte de la dépression postnatale ont été très étudiées, notamment grâce au développement des méthodes d’enregistrement vidéo des interactions. Ces travaux soulignent surtout que les effets de la dépression postnatale sur les interactions et le développement du nourrisson ne sont pas univoques. Les mères présentant une dépression postnatale présentent plus souvent une attention moins soutenue dans le temps, des ruptures dans la relation, une sensibilité émotionnelle plus faible ou discordante, une moindre qualité de l’accordage au comportement de l’enfant… Mais la synthèse des travaux suggère surtout que les effets de la dépression postnatale sur le développement de l’enfant sont surtout présents quand la dépression débute en anténatal ou quand l’intensité, la durée, et la répétition des expositions de l’enfant aux difficultés interactives maternelles sont fortes, c'est-à-dire quand la dépression n’est pas repérée et traitée à temps.

Notons que la dépression paternelle peut également impacter les interactions avec des émotions positives moins fréquentes, une baisse de la sensibilité, voire un désengagement. L’impact de la dépression postnatale paternelle est d’autant plus important que la mère souffre également de dépression postnatale, quant à l’inverse, la bonne santé mentale du père permettrait de diminuer l’impact de la dépression maternelle sur le développement de l’enfant.

Les interactions parents-enfants dans le contexte de la dépression postnatale ont été très étudiées, notamment via l’enregistrement vidéo. Ces travaux soulignent avant tout que les effets de la dépression postnatale sur les interactions et le développement du nourrisson ne sont pas univoques. Les mères souffrant de dépression postnatale présentent plus souvent une attention moins soutenue dans le temps, des ruptures dans la relation, une sensibilité émotionnelle plus faible ou discordante, une moindre qualité de l’accordage au comportement de l’enfant… Mais la synthèse des travaux suggère surtout que les effets sur le bébé sont surtout présents quand la dépression débute en anténatal ou quand l’intensité, la durée, et la répétition des expositions de l’enfant aux difficultés interactives maternelles sont fortes, c'est-à-dire surtout si la dépression n’est pas prise en charge.

Notons que la dépression paternelle peut également impacter les interactions avec des émotions positives moins fréquentes, une baisse de la sensibilité, voire un désengagement. L’impact de la dépression postnatale paternelle est d’autant plus important que la mère souffre également de dépression postnatale. A l’inverse, la bonne santé mentale du père permettrait de diminuer l’impact de la dépression maternelle sur le développement de l’enfant.

Les questions les plus fréquentes :

Dépression périnatale des pères

Florence Gressier, Ludivine Guérin, Mathilde Dublineau, Sarah Tebeka

Contrairement aux idées reçues, la dépression postnatale touche également les jeunes pères. Au cours de la première année de vie de leur bébé, environ 6-8% des pères sera concerné par cette pathologie.

Pourtant elle est encore très peu reconnue et diagnostiquée, et encore moins traitée. Les hommes ne s’autorisent pas souvent à parler de leurs émotions négatives et de leur souffrance psychique dans notre société. De plus, la dépression chez les pères peut prendre des formes trompeuses et eux-mêmes peuvent l’ignorer : elle peut se manifester par un changement de comportement, une irritabilité voire une impulsivité, une consommation de toxiques, des conflits conjugaux, une tendance à se replier sur soi ou à la fuite, ou bien encore des signes physiques, des douleurs inexpliquées.

Des facteurs tels que les antécédents personnels de dépression, les évènements de vie douloureux, les difficultés conjugales, l’isolement social et familial favorisent les dépressions paternelles. Des facteurs de risque biologiques, et notamment hormonaux, ont également été décrits. Le tempérament du bébé pourrait également jouer un rôle. Cependant, le principal facteur de risque de la dépression paternelle est la dépression maternelle : parmi les pères dont la compagne souffre de dépression, 25 à 50% vont également présenter une dépression. Il faut donc être particulièrement attentif au co-parent lors d’une dépression périnatale et toujours demander à le rencontrer afin de pouvoir dépister et évaluer la présence de symptômes dépressifs.

La dépression paternelle peut avoir des conséquences graves, pour le père lui-même avec un risque de mise en danger voire de risque suicidaire qu’il faudra systématiquement évaluer, pour le couple avec la possibilité de conflits voire de violences conjugales, et également pour le bébé. En effet, la dépression parentale non soignée peut entrainer des difficultés d’interactions parents-enfant et des conséquences sur le développement du bébé et de l’enfant. Ceci est vrai en cas de dépression des deux parents mais aussi en cas de dépression isolée chez la mère ou chez le père.

Il est donc primordial de mieux connaitre la dépression paternelle et de la dépister précocement. Les futurs parents doivent y être sensibilisés, tout comme à la dépression maternelle, afin de pouvoir arriver à demander de l’aide dès que nécessaire. Les professionnels doivent également penser à la rechercher. En effet, des traitements efficaces existent et une prise en soins la plus précoce possible permet de diminuer le retentissement éventuel sur l’enfant et la famille. En période périnatale, les soins doivent comporter une dimension familiale avec des consultations père-mère-bébé.