objectif de la section = donner de la matière pour nourrir la réflexion de la personne. Il n’y a pas de réponse à la question de devoir ou non expliquer les choses à son enfant, il s’agit d’une décision personnelle
Avantages et inconvénients d’en parler à son enfant
Dissocier « difficulté maternelle » ou autre problème de santé mentale en période périnatale de l’enfant (cela est dû au fait de devenir parent, n’a rien à voir avec l’enfant
On ne choisit pas de vivre une difficulté maternelle (ou autre trouble de santé mentale en période périnatale) on la subit. Elle est quelque chose avec lequel on cohabite plusieurs semaines voire mois et certains jours il n’est pas rare de se dire que l’on est devenu cette difficulté, qu’elle nous caractérise. Mais il n’en est rien. Elle ne vous définit pas et ne conditionne pas non plus votre maternité. Elle est une entité qui s’est imposée dans votre quotidien, un état que vous vivez mais elle n’est pas vous. Elle n’est pas non plus votre enfant. C’est un peu comme faire un ménage à trois finalement. La difficulté maternelle peut avoir un réel impact sur votre comportement, vos émotions et sur la construction du lien avec votre enfant, c’est un fait. Elle crée un environnement hostile qui peut être délétère pour votre relation. On le sait, la difficulté maternelle chahute le devenir parent mais n’a, dans l’absolu, rien à voir avec l’enfant en tant que tel. Ce n’est pas spécifiquement cet enfant-là qui déclenche le mal-être mais le rôle de parent face à cet enfant. Cette nuance est importante car elle permet de dissocier l’un de l’autre et de pouvoir travailler sur le fond du problème. L’enfant de son côté, entre 2 et 6 ans, a cette tendance à penser que ses pensées peuvent agir sur le monde (concept de la pensée magique). Il peut donc facilement se sentir responsable d’une maladie ou d’un accident et cela peut créer chez lui de la culpabilité, des troubles du comportement voire un traumatisme. C’est notamment pour cela qu’il est important de dissocier l’enfant de la cause de la difficulté maternelle, de lui expliquer que ce n’est pas de sa faute, qu’il n’a pas créé la difficulté en tant que personne mais qu’elle est arrivée consécutivement à son arrivée. Il est important de poser des mots sur ce lien de cause à effet qui peut exister dans l’esprit de l’enfant mais non verbalisé et de démêler le vrai du faux pour apaiser les choses.
Peut-être vous questionnez-vous sur le fait de parler de ce que vous vivez ou avez vécu à votre enfant car vous vous dites qu’en en parlant cela va devenir un sujet et lui faire du mal. Mais même sans en parler c’est déjà un sujet. C’est déjà présent dans vos vies et personne ne peut l’ignorer. Parler de la difficulté maternelle ne va pas créer quelque chose de difficile autour d’elle mais va au contraire mettre du sens et ouvrir le dialogue sur ce que chacun vit de son côté. Mettre des mots et clarifier les faits lève les suppositions et les préoccupations anxieuses. Cela peut donc bien plus apaiser qu’amplifier les choses. Parler de l’éléphant au milieu de la pièce ne l’enlève pas mais rend la vie autour de lui plus simple et évite les non-dits et quiproquo.
Transmettre la gestion des émotions
Vivre une difficulté psychique quelle qu’elle soit entraine une dysrégulation émotionnelle. Peur, tristesse, colère, culpabilité s’en donnent à cœur joie. C’est pourquoi le travail de régulation émotionnelle sera au cœur de votre prise en charge avec un professionnel du champ psychique. En outre, bien que cette expression expansive des émotions soit difficile à vivre au quotidien, elle peut être utile pour la sensibilisation de vos enfants aux émotions. Ce que vous vivez peut permettre d’échanger sur ce sujet, sur les stratégies possibles pour y faire face, sur leurs émotions à eux et ce qu’elles génèrent en eux, sur leur importance dans la vie. Ce qui est à la base source de difficultés peut devenir une opportunité d’apprentissage et de partage.
Il est légitime de vous demander s’il est réellement utile de parler à votre bébé ou votre tout petit par crainte que celui-ci ne comprenne pas les choses. Il est évident qu’avant 3-4 ans il lui sera plus compliqué d’intégrer pleinement ce que vous allez lui expliquer. Cela n’empêche en rien de poser des mots et cela sera d’ailleurs tout aussi bénéfique pour vous. Les bébés ne vont pas comprendre les phrases dites en tant que telles mais vont saisir une intention de connexion, le ton de la voix, les expressions du visage, le positionnement du corps et le regard. Ils vont comprendre que le moment est important et que l’on s’adresse à eux différemment de d’habitude en les considérant pleinement et surtout que l’on est réellement présent à cet instant là dans l’échange. Ils vont se sentir importants et cela va les apaiser. Il en sera de même pour les enfants un peu plus grands (avant 3 ans) avec une compréhension plus accrue de certains mots. L’utilisation de vecteurs de messages tels que le jeu ou un livre a toute son importance dans cette situation là.
Mettre des mots sur quelques chose de non dit mais de présent, pour lever un tabou (mettre des mots est plus bénéfique que de ne rien dire pour préserver l’enfant, cela permet de donner un sens à ce qui se passe
Pour tout parent vivant une situation difficile, le choix des mots pour en parler aux enfants est toujours LA question. Ce questionnement revient donc tout naturellement dans le cadre d’une difficulté liée à la naissance et d’une manière particulièrement aiguë puisqu’il s’agit alors d’expliquer comment l’arrivée d’un enfant a pu tout bouleverser tout transformer tout en s’assurant que ce dernier ne se sente pas responsable d’une situation qu’il n’a en rien créé. Les mots seront vraisemblablement différents selon que la difficulté est à distance ou que le parent est encore dedans. Il sera toujours possible de demander l’aide d’un professionnel si l’on en ressent le besoin d’être accompagné dans cette mise en mots.
Dans tous les cas, les mots sont à adapter, en fonction de l’âge du ou des enfants et de leurs éventuelles demandes. Pour un bébé des phrases simples de type “tu sais maman/papa ne se sent pas bien, es très fatigué voire épuisé mais tu n’en es pas responsable, ne t’inquiète pas nous t’aimons et nous avons demandé de l’aide” suffiront probablement pour que l’enfant capte ce que le parent tente de formuler, donnera les éléments pour que cette difficulté ne reste pas dans l’ombre comme quelque chose de non exprimable.
Un plus grand demandera peut-être plus de précisions et aura des demandes plus ciblées. Répondre simplement et honnêtement aux questions précises par des faits est un bon moyen de les rassurer sur ce qui s’est passé, dont ils ont été acteurs mais ne se souviennent pas forcément. Pour eux, on pourra choisir d’expliquer que parfois dans la vie les choses ne se passent pas comme on aurait voulu et qu’une grande douleur est venue masquer/entacher l’amour pourtant présent, mais qu’avec de l’aide cela va (ou a) évolué que rien n’est figé, qu’il n’est en rien responsable de la situation et qu’il a le droit de dire aussi ce que lui ressent. On pourra aussi, si cela semble pertinent, ouvrir vers la possibilité pour lui d’en parler à quelqu’un de professionnel.
Avec des encore plus grands, à distance de la difficulté, on pourra envisager de prendre un temps pour raconter , expliquer avec nos propres mots pour remettre du sens sur ce qui s’est passé, décrire les étapes qui ont eu lieu et laisser un espace pour que l’enfant lui-même mette en mots ses souvenirs afin que cela prenne place “naturellement” dans l’histoire de la famille. Faire en sorte que ce cheminement soit intégré dans celui de la construction familiale, faite de plusieurs étapes dont cette première partie de vie chahutée fait partie intégrante… Mettre des mots sur ses maux pour soi et pour les enfants n’est pas une chose aisée, mais il existe plein de manières d’en “parler”.
L’irruption de la maladie dans la maternité peut générer des émotions complexes et intenses chez les parents et la fratrie. L’arrivée d’un nouveau bébé au sein d’une famille est habituellement source de joie mais peut également devenir un moment de grande ambivalence émotionnelle, surtout lorsque la dépression périnatale s’invite dans cette période déjà bouleversante. Les parents et les frères et sœurs peuvent, en effet, éprouver des sentiments ambivalents vis-à-vis du nouveau-né, parfois même percevoir le bébé comme lié à l’origine de leur mal-être et de la désorganisation familiale. Outre la rivalité qualifiée de « normale » à l’arrivée d’un nouveau petit-frère ou petite-sœur, cette situation peut engendrer des réactions pouvant aller parfois jusqu’à de l’agressivité.
Ces deux bouleversements simultanés – la naissance et la maladie – nécessitent une réorganisation profonde de la vie familiale, sociale et professionnelle des parents. Ce remaniement identitaire doit être manœuvré avec soin pour maintenir l’équilibre familial. C’est pourquoi, comprendre ce que traverse sa mère en période de dépression périnatale est extrêmement important pour l’enfant qui, face à sa mère qui ne va pas bien, pourrait être impacté. Selon le critère B de la définition de la dépression du DSM-5, les symptômes induisent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement professionnel ou social, et donc immanquablement familial. Ne rien dire sur ce que sa mère traverse ou dire le mot sans expliquer ce que cela implique ne protège pas l’enfant car, par définition, la dépression désorganise la vie de famille. L’enfant le sent et le sait et aura besoin de comprendre pourquoi sa mère est différente ou ne présente pas les mêmes réactions que d’habitude. Selon l’âge ou la personnalité de l’enfant celui-ci ne dira pas forcément que cela a un impact sur lui / elle. En revanche, il pourra manifester des troubles du sommeil ou de l’appétit, une agitation, des pleurs, des difficultés de concentration, des troubles du comportement, et pour les enfants d’âge scolaire une diminution des résultats voire de l’absentéisme pour aider ou veiller sur son parent malade. L’enfant pourra se mettre en hypervigilance ou hyper-adaptation (comme par exemple « s’éteindre » ou se mettre en retrait) pour répondre et s’ajuster à cette maladie. En effet, toujours faire attention aux injonctions sociétales de « l’enfant parfait » qui, par hyper-adaptation, pourrait vouloir revendiquer le rôle de « sauveur » de sa mère. Par exemple : « Maman est très fatiguée, il ne faut pas faire de bruit pour qu’elle se repose ! » ou bien « Il faut que je sois sage et gentil pour que maman arrête d’être triste. Si elle est triste, j’y suis peut-être pour quelque chose. » Ainsi, on rend sa liberté et son insouciance à l’enfant. Car il est normal pour un enfant de s’amuser et de faire du bruit. C’est inhérent au jeu et donc au développement de l’enfant. Il est primordial de trouver cet équilibre entre faire comprendre la maladie et le délester du poids du rétablissement de son parent.
Alors quand et comment annoncer la situation aux enfants ? Tout d’abord il s’agit d’une décision personnelle et convenue entre les deux parents. Pour guider les parents qui envisageraient ce temps d’annonce, il semblerait que le plus tôt possible soit le mieux, avant que la maladie n’affecte trop le quotidien tout en laissant néanmoins au parent le temps de l’acceptation et l’intégration des éléments de la maladie (notamment au sujet de l’évolutivité prévisible, du traitement, etc …), pour permettre ainsi, de se préparer aux éventuelles questions de l’enfant. L’annonce doit être un moment réfléchi et qualitatif, pourquoi pas vécu ensemble en famille, avec toute la fratrie quel que soit l’âge, peut-être autour d’un goûter ou d’un pique-nique.
Protéger et accompagner les enfants tout en leur disant la vérité, est crucial. Les enfants privés d’explications souffrent davantage car ils ressentent que quelque chose ne va pas sans pouvoir mettre de mot dessus. On peut, par exemple évoquer les symptômes de manière très factuelle et descriptive (« tu vois maman fait beaucoup la sieste parce qu’elle est très fatiguée », « tu vois maman ne mange pas beaucoup », « tu vois, maman pleure beaucoup parce qu’elle se sent très triste » …). Pour les enfants plus âgés et les adolescents, pour qui la mécanique du corps humain est plus ou moins acquise, pourquoi pas décrire que c’est le cerveau de maman qui dysfonctionne, qui est malade, et qui produit des pensées tristes qui la font pleurer. Peut-être aussi partir de ce que l’enfant constate, perçoit et questionne de la maladie de son parent. Quand les mots sont difficiles à trouver, on peut proposer à l’enfant si il est d’accord de venir accompagner son parent en consultation chez le médecin ou le psychologue ou même à l’hôpital si le parent est hospitalisé. Ainsi, l’enfant pourra avoir un espace de parole pour poser éventuellement ses questions, voir le lieu où maman se rend pour ses soins et ce qu’elle y fait, rencontrer ceux qui s’occupe d’elle, ce qui permettra de dissiper très certainement des craintes.
Pour conclure, il est crucial de trouver un juste milieu entre « excès de transparence » qui ferait craindre une privation de la légèreté et de l’insouciance nécessaire à l’équilibre de l’enfant et un « excès de dissimulation » qui provoquerait l’incompréhension de l’enfant. Car parler avec sincérité et authenticité, est aussi un gage de confiance du parent et est vécu comme tel par l’enfant.
Si malheureusement, vous n’arrivez pas à trouver les mots adaptés pour permettre de faciliter la compréhension de la maladie, si vous-même vous avez du mal à l’expliquer à votre entourage, alors nous vous recommandons l’emploi de ressources externes comme par exemple le site internet « the Center for Addiction and Mental Health » : Ce que les enfants veulent savoir, lorsqu’un de leurs parents est déprimé » ou bien des livres adaptés à l’âge de l’enfant. Une bonne référence dans le domaine est « Du brouillard dans la tête. La dépression expliquée aux enfants » de Judith Rieffel. Ce texte permet, avec un savant choix des mots employés, de faire comprendre avec tendresse et simplicité, que la dépression est une « vraie » maladie, même si celle-ci ne se voit pas, qu’on en guérit, même si le chemin vers la guérison est long et difficile et nécessite souvent l’aide de professionnels.
Ressources pour les enfants et leurs parents
- JefPsy : https://jefpsy.org/